Topic 7190177

DH//177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 18:54:47

© photo Susan Bayer's (Norman, Is That You?, play by Ron Clark and Sam Bobrick, studio B), Montage Digital

 

TÉNÉBREUX

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 18:54:47

La pièce aurait pour titre Le Ténébreux. Bien sûr, il pourrait y avoir d’autres titres possibles mais j’écarterais d'emblée El Desdichado pour éviter tout malentendu avec le poème original et pour qu’on puisse bien s’en démarquer. J’ai horreur personnellement des remake. Mais les personnages seront les suivants, tels qu’ils apparaissent dans l’ordre du texte original:

Le Ténébreux (aussi appelé le Veuf ou l’Inconsolé)

Le Prince d’Aquitaine, son double

La Tour abolie

Le Soleil noir

La Mélancolie

Le Tombeau

Le Pausilippe

Le Pampre

La Rose

Amour

Phœbus

Lusignan

Biron

La Reine

La Grotte

La Sirène

l’Achéron

Orphée

La Sainte

La Fée.

Vingt personnages en tout (21 si on ajoute le fameux "Toi" anonyme du 5e vers), répartis sur quatorze vers. Avouez que c’est plutôt rare, quand on pense que ce texte est un poème et que les grandes tragédies qui durent des pages et des pages comme Andromaque, Phèdre ou Britannicus n’ont que sept ou huit personnages (incluant les gardes). Sûrement le plus beau et le plus génial name dropping de la littérature française!

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:03:16

J’aimerais signer la musique de cette pièce. Toujours rêvé d’écrire une trame originale pour un texte aussi inspirant. Orphée y tient un rôle, avec sa lyre. Si la mise en scène le permet, j’écrirais des pages pour alto. Orphée pleure souvent. L’alto est un instrument qui pleure. Pour aggraver le climat trouble de la scène où le Ténébreux traverse l’Achéron (il le traverse deux fois est-il dit) j’instaurerais des gouttes dans l’atmosphère que j’irais chercher sur une reproduction de harpe et de clavecin: ces instruments aux cordes pincées qui sont les enfants dispersés de la lyre. (Eurydice et Orphée n’ayant pas eu d’enfants, à cause de leur séparation brutale au jour même de leurs noces, ces échos lapidaires entendus dans les profondeurs du fleuve seront comme des rappels incessants de la joie qui n’aura jamais eu lieu entre eux).

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:06:27

Je vais dessiner les lieux imaginaires de ce texte. Bien sûr, la tendance ira au bleu, mais qui dit bleu n’a rien dit. Nos amis de l’Inde nous envoient des images du Gange, son eau est d’un bleu limitrophe à la zone obscure du prisme. Tantôt ce bleu se rosit, grisonne et blanchit, ou revêt les teintes délirantes des bûchers qui noient leurs incendies dans le charbon incandescent. Je ne crois pas en la notion de décor. Je ne crois pas non plus au réalisme. J’ai regardé attentivement les images de l’Achéron en Grèce. J’hésite. Aller tout droit à la référence peut nous faire passer par-dessus un tas d’images qui s’avéreraient plus justes dans la reconstitution mentale de ce qu’est un fleuve où les nageurs «passent», c’est-à-dire vont d’un lieu à l’autre. N’oublions pas que l’autre lieu, ce sont les enfers. Je continue mes recherches sur le Gange.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:09:04

Si j’incarne le Tombeau, ai-je un texte? Je voudrais que ce soit Pier-Abel qui me l’écrive. Je promets de ne pas bouger en le disant, je promets d’être si stoïque que personne dans l’assistance ne manquera une seule de mes paroles tellement je serai magnétique dans mon débit. On prendra conscience, pour la première fois peut-être, que chaque humain se dirige vers Lui, le Tombeau, sans égard à sa nature, lieu de transfert, ou lieu d’aboutissement.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:13:41

Ayant joué Orion écrit par Pierre-Abel, je ne sais pas si je serais capable de jouer le Ténébreux. Bien sûr, j’ai l’air de vouloir sauter sur le rôle principal. Là-dessus détrompez-vous,  car Lusignan s’il est joué par un bon acteur peut lui voler le show. C’est l’anti-héros qui, avec Charles de Biron, fait reluire le blason de l’échec sur le destin du poète à la recherche douloureuse de son double, comme Orphée parti aux enfers à la recherche de sa bien-aimée. Les trois hommes déchus réunis en un seul être (le Ténébreux) convoitent tous leur âme noyée dans le couloir qui conduit aux enfers.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:15:50

Vous sombrez dans l’obscur. Même Caliban, aux allures d’ordinaire si réfractaires à la tonalité, nous parle d’unir dans le bleu défectif du Gange les teintes de l’Achéron, mais que faites-vous de l’Italie et des fleurs? Je connais le Pausilippe et Naples. On dirait que là, l’amour est  une histoire qui se suffit à elle-même (l’amour est d’ailleurs personnage ici). Il déjoue toutes nos tentatives sabotées de rencontrer qui son Orphée, qui son Eurydice, qui son fleuve, qui son marais deep. Regardez comment s’achève le poème, déception par-dessus déception, oui je suis bien d’accord, mais je crois qu’il devrait y avoir, dans ce spectacle, un moment plus relaxe où les personnages rencontreraient l’amour d’une façon mystérieuse et oblique, dans un parterre où chaque pas qu’on y ferait serait attentif à ne pas piétiner une fleur.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:17:49

J’aimerais que les costumes soient de "nationalités" baroques et sensuelles (comme en Inde justement), mais pas des costumes au sens «costumier» du terme. Dommage que j’haïsse tant le tyrolien car ce serait très fort d’un point de vue symbolique et aussi thématique. Avez-vous remarqué qu’en mettant des majuscules presque partout, Nerval donne une touche visuelle très germanique à son poème, qui porte pourtant un nom en espagnol. (Langue du premier grand anti-héros, Don Quichotte.) C’est donc un texte qui se veut multi référentiel au plan des provenances, et qui nous amène à un tout de résonance en écho: parois de la grotte en effet qui fusionnent les cris et les soupirs.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:20:16

D’accord avec Vincent pour l’ajout de fleurs. Quoique le texte dit bien «la fleur» d’Italie et non les fleurs. Mais souvenons-nous que dans Parsifal la fleur est Kundry et que sans le jardin des fleurs où elle se détache de son groupe, l’œuvre de Wagner, et conséquemment la mission du héros Parsifal, ne seraient pas les mêmes. Dans les deux cas, il y aurait eu crime par facilité, alors que Wagner nous mène, comme Nerval ici, au sommet de sa pensée en choisissant la chevelure au lieu du cheveu, et Nerval, la pluralité de chaque chose toujours énoncée au singulier pourtant: le Baiser, le Pampre, la Rose, la Tour, le Tombeau, la Sirène. Et soudain, à la toute fin, miracle: l’abondance, le pluriel, la progéniture: ce poème aura enfanté quoi? Hélas: des soupirs, et mieux, des cris.

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© photo Susan Bayer's (Norman, Is That You?, play by Ron Clark and Sam Bobrick, studio B), Montage Digital

 

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La pièce aurait pour titre Le Ténébreux. Bien sûr, il pourrait y avoir d’autres titres possibles mais j’écarterais d'emblée El Desdichado pour éviter tout malentendu avec le poème original et pour qu’on puisse bien s’en démarquer. J’ai horreur personnellement des remake. Mais les personnages seront les suivants, tels qu’ils apparaissent dans l’ordre du texte original:

Le Ténébreux (aussi appelé le Veuf ou l’Inconsolé)

Le Prince d’Aquitaine, son double

La Tour abolie

Le Soleil noir

La Mélancolie

Le Tombeau

Le Pausilippe

Le Pampre

La Rose

Amour

Phœbus

Lusignan

Biron

La Reine

La Grotte

La Sirène

l’Achéron

Orphée

La Sainte

La Fée.

Vingt personnages en tout (21 si on ajoute le fameux "Toi" anonyme du 5e vers), répartis sur quatorze vers. Avouez que c’est plutôt rare, quand on pense que ce texte est un poème et que les grandes tragédies qui durent des pages et des pages comme Andromaque, Phèdre ou Britannicus n’ont que sept ou huit personnages (incluant les gardes).

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:03:16

J’aimerais signer la musique de cette pièce. Toujours rêvé d’écrire une trame originale pour un texte aussi inspirant. Orphée y tient un rôle, avec sa lyre. Si la mise en scène le permet, j’écrirais des pages pour alto. Orphée pleure souvent. L’alto est un instrument qui pleure. Pour aggraver le climat trouble de la scène où le Ténébreux traverse l’Achéron (il le traverse deux fois est-il dit) j’instaurerais des gouttes dans l’atmosphère que j’irais chercher sur une reproduction de harpe et de clavecin: ces instruments aux cordes pincées qui sont les enfants dispersés de la lyre. (Eurydice et Orphée n’ayant pas eu d’enfants, à cause de leur séparation brutale au jour même de leurs noces, ces échos lapidaires entendus dans les profondeurs du fleuve seront comme des rappels incessants de la joie qui n’aura jamais eu lieu entre eux).

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:06:27

Je vais dessiner les lieux imaginaires de ce texte. Bien sûr, la tendance ira au bleu, mais qui dit bleu n’a rien dit. Nos amis de l’Inde nous envoient des images du Gange, son eau est d’un bleu limitrophe à la zone obscure du prisme. Tantôt ce bleu se rosit, grisonne et blanchit, ou revêt les teintes délirantes des bûchers qui noient leurs incendies dans le charbon incandescent. Je ne crois pas en la notion de décor. Je ne crois pas non plus au réalisme. J’ai regardé attentivement les images de l’Achéron en Grèce. J’hésite. Aller tout droit à la référence peut nous faire passer par-dessus un tas d’images qui s’avéreraient plus justes dans la reconstitution mentale de ce qu’est un fleuve où les nageurs «passent», c’est-à-dire vont d’un lieu à l’autre. N’oublions pas que l’autre lieu, ce sont les enfers. Je continue mes recherches sur le Gange.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:09:04

Si j’incarne le Tombeau, ai-je un texte? Je voudrais que ce soit Pier-Abel qui me l’écrive. Je promets de ne pas bouger en le disant, je promets d’être si stoïque que personne dans l’assistance ne manquera une seule de mes paroles tellement je serai magnétique dans mon débit. On prendra conscience, pour la première fois peut-être, que chaque humain se dirige vers Lui, le Tombeau, sans égard à sa nature, lieu de transfert, ou lieu d’aboutissement.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:13:41

Ayant joué Orion écrit par Pierre-Abel, je ne sais pas si je serais capable de jouer le Ténébreux. Bien sûr, j’ai l’air de vouloir sauter sur le rôle principal. Là-dessus détrompez-vous,  car Lusignan s’il est joué par un bon acteur peut lui voler le show. C’est l’anti-héros qui, avec Charles de Biron, fait reluire le blason de l’échec sur le destin du poète à la recherche douloureuse de son double, comme Orphée parti aux enfers à la recherche de sa bien-aimée. Les trois hommes déchus réunis en un seul être (le Ténébreux) convoitent tous leur âme noyée dans le couloir qui conduit aux enfers.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:15:50

Vous sombrez dans l’obscur. Même Caliban, aux allures d’ordinaire si réfractaires à la tonalité, nous parle d’unir dans le bleu défectif du Gange les teintes de l’Achéron, mais que faites-vous de l’Italie et des fleurs? Je connais le Pausilippe et Naples. On dirait que là, l’amour est  une histoire qui se suffit à elle-même (l’amour est d’ailleurs personnage ici). Il déjoue toutes nos tentatives sabotées de rencontrer qui son Orphée, qui son Eurydice, qui son fleuve, qui son marais deep. Regardez comment s’achève le poème, déception par-dessus déception, oui je suis bien d’accord, mais je crois qu’il devrait y avoir, dans ce spectacle, un moment plus relaxe où les personnages rencontreraient l’amour d’une façon mystérieuse et oblique, dans un parterre où chaque pas qu’on y ferait serait attentif à ne pas piétiner une fleur.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:17:49

J’aimerais que les costumes soient de "nationalités" baroques et sensuelles (comme en Inde justement), mais pas des costumes au sens «costumier» du terme. Dommage que j’haïsse tant le tyrolien car ce serait très fort d’un point de vue symbolique et aussi thématique. Avez-vous remarqué qu’en mettant des majuscules presque partout, Nerval donne une touche visuelle très germanique à son poème, qui porte pourtant un nom en espagnol. (Langue du premier grand anti-héros, Don Quichotte.) C’est donc un texte qui se veut multi référentiel au plan des provenances, et qui nous amène à un tout de résonance en écho: parois de la grotte en effet qui fusionnent les cris et les soupirs.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:20:16

D’accord avec Vincent pour l’ajout de fleurs. Quoique le texte dit bien «la fleur» d’Italie et non les fleurs. Mais souvenons-nous que dans Parsifal la fleur est Kundry et que sans le jardin des fleurs où elle se détache de son groupe, l’œuvre de Wagner, et conséquemment la mission du héros Parsifal, ne seraient pas les mêmes. Dans les deux cas, il y aurait eu crime par facilité, alors que Wagner nous mène, comme Nerval ici, au sommet de sa pensée en choisissant la chevelure au lieu du cheveu, et Nerval, la pluralité de chaque chose toujours énoncée au singulier pourtant: le Baiser, le Pampre, la Rose, la Tour, le Tombeau, la Sirène. Et soudain, à la toute fin, miracle: l’abondance, le pluriel, la progéniture: ce poème aura enfanté quoi? Hélas: des soupirs, et mieux, des cris.

Topic 7190177

DH//177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 18:54:47

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La pièce aurait pour titre Le Ténébreux. Bien sûr, il pourrait y avoir d’autres titres possibles mais j’écarterais d'emblée El Desdichado pour éviter tout malentendu avec le poème original et pour qu’on puisse bien s’en démarquer. J’ai horreur personnellement des remake. Mais les personnages seront les suivants, tels qu’ils apparaissent dans l’ordre du texte original:

Le Ténébreux (aussi appelé le Veuf ou l’Inconsolé)

Le Prince d’Aquitaine, son double

La Tour abolie

Le Soleil noir

La Mélancolie

Le Tombeau

Le Pausilippe

Le Pampre

La Rose

Amour

Phœbus

Lusignan

Biron

La Reine

La Grotte

La Sirène

l’Achéron

Orphée

La Sainte

La Fée.

Vingt personnages en tout (21 si on ajoute le fameux "Toi" anonyme du 5e vers), répartis sur quatorze vers. Avouez que c’est plutôt rare, quand on pense que ce texte est un poème et que les grandes tragédies qui durent des pages et des pages comme Andromaque, Phèdre ou Britannicus n’ont que sept ou huit personnages (incluant les gardes).

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:03:16

J’aimerais signer la musique de cette pièce. Toujours rêvé d’écrire une trame originale pour un texte aussi inspirant. Orphée y tient un rôle, avec sa lyre. Si la mise en scène le permet, j’écrirais des pages pour alto. Orphée pleure souvent. L’alto est un instrument qui pleure. Pour aggraver le climat trouble de la scène où le Ténébreux traverse l’Achéron (il le traverse deux fois est-il dit) j’instaurerais des gouttes dans l’atmosphère que j’irais chercher sur une reproduction de harpe et de clavecin: ces instruments aux cordes pincées qui sont les enfants dispersés de la lyre. (Eurydice et Orphée n’ayant pas eu d’enfants, à cause de leur séparation brutale au jour même de leurs noces, ces échos lapidaires entendus dans les profondeurs du fleuve seront comme des rappels incessants de la joie qui n’aura jamais eu lieu entre eux).

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:06:27

Je vais dessiner les lieux imaginaires de ce texte. Bien sûr, la tendance ira au bleu, mais qui dit bleu n’a rien dit. Nos amis de l’Inde nous envoient des images du Gange, son eau est d’un bleu limitrophe à la zone obscure du prisme. Tantôt ce bleu se rosit, grisonne et blanchit, ou revêt les teintes délirantes des bûchers qui noient leurs incendies dans le charbon incandescent. Je ne crois pas en la notion de décor. Je ne crois pas non plus au réalisme. J’ai regardé attentivement les images de l’Achéron en Grèce. J’hésite. Aller tout droit à la référence peut nous faire passer par-dessus un tas d’images qui s’avéreraient plus justes dans la reconstitution mentale de ce qu’est un fleuve où les nageurs «passent», c’est-à-dire vont d’un lieu à l’autre. N’oublions pas que l’autre lieu, ce sont les enfers. Je continue mes recherches sur le Gange.

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Si j’incarne le Tombeau, ai-je un texte? Je voudrais que ce soit Pier-Abel qui me l’écrive. Je promets de ne pas bouger en le disant, je promets d’être si stoïque que personne dans l’assistance ne manquera une seule de mes paroles tellement je serai magnétique dans mon débit. On prendra conscience, pour la première fois peut-être, que chaque humain se dirige vers Lui, le Tombeau, sans égard à sa nature, lieu de transfert, ou lieu d’aboutissement.

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Ayant joué Orion écrit par Pierre-Abel, je ne sais pas si je serais capable de jouer le Ténébreux. Bien sûr, j’ai l’air de vouloir sauter sur le rôle principal. Là-dessus détrompez-vous,  car Lusignan s’il est joué par un bon acteur peut lui voler le show. C’est l’anti-héros qui, avec Charles de Biron, fait reluire le blason de l’échec sur le destin du poète à la recherche douloureuse de son double, comme Orphée parti aux enfers à la recherche de sa bien-aimée. Les trois hommes déchus réunis en un seul être (le Ténébreux) convoitent tous leur âme noyée dans le couloir qui conduit aux enfers.

177Re://T7190 [Wills/Falc/Calib/Scorp/Hmnbl/Vesuve/Minos/Icar  -  Ténébreux] post. 17-11-28 19:15:50

Vous sombrez dans l’obscur. Même Caliban, aux allures d’ordinaire si réfractaires à la tonalité, nous parle d’unir dans le bleu défectif du Gange les teintes de l’Achéron, mais que faites-vous de l’Italie et des fleurs? Je connais le Pausilippe et Naples. On dirait que là, l’amour est  une histoire qui se suffit à elle-même (l’amour est d’ailleurs personnage ici). Il déjoue toutes nos tentatives sabotées de rencontrer qui son Orphée, qui son Eurydice, qui son fleuve, qui son marais deep. Regardez comment s’achève le poème, déception par-dessus déception, oui je suis bien d’accord, mais je crois qu’il devrait y avoir, dans ce spectacle, un moment plus relaxe où les personnages rencontreraient l’amour d’une façon mystérieuse et oblique, dans un parterre où chaque pas qu’on y ferait serait attentif à ne pas piétiner une fleur.

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J’aimerais que les costumes soient de "nationalités" baroques et sensuelles (comme en Inde justement), mais pas des costumes au sens «costumier» du terme. Dommage que j’haïsse tant le tyrolien car ce serait très fort d’un point de vue symbolique et aussi thématique. Avez-vous remarqué qu’en mettant des majuscules presque partout, Nerval donne une touche visuelle très germanique à son poème, qui porte pourtant un nom en espagnol. (Langue du premier grand anti-héros, Don Quichotte.) C’est donc un texte qui se veut multi référentiel au plan des provenances, et qui nous amène à un tout de résonance en écho: parois de la grotte en effet qui fusionnent les cris et les soupirs.

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D’accord avec Vincent pour l’ajout de fleurs. Quoique le texte dit bien «la fleur» d’Italie et non les fleurs. Mais souvenons-nous que dans Parsifal la fleur est Kundry et que sans le jardin des fleurs où elle se détache de son groupe, l’œuvre de Wagner, et conséquemment la mission du héros Parsifal, ne seraient pas les mêmes. Dans les deux cas, il y aurait eu crime par facilité, alors que Wagner nous mène, comme Nerval ici, au sommet de sa pensée en choisissant la chevelure au lieu du cheveu, et Nerval, la pluralité de chaque chose toujours énoncée au singulier pourtant: le Baiser, le Pampre, la Rose, la Tour, le Tombeau, la Sirène. Et soudain, à la toute fin, miracle: l’abondance, le pluriel, la progéniture: ce poème aura enfanté quoi? Hélas: des soupirs, et mieux, des cris.